Rédaction : du 1er février 1939 au 10 avril 1940 
Première édition : L'Essor (1941), contient Eliah le peintre, remplacé par L'Odeur du sapin dans toutes les éditions ultérieures. 
Rééditions : Maréchal (1947), avec une préface de Franz Hellens ; sous le titre Sortilèges et autres contes crépusculaires, Marabout (1962, 1965 et après 1974), avec une préface d'Henri Vernes ; Jacques Antoine (1986) ; Labor (2001), avec une lecture de Jacqueline Blancart-Cassou ; Gallimard, collection L'Imaginaire, (2008). 
 
Cette magistrale incursion de l'auteur dans le domaine du fantastique présente une grande homogénéité : dans chacun des douze contes le lecteur retrouve le même héros-narrateur en proie aux sortilèges qui matérialisent ses peurs. Ce héros n'est autre que Ghelderode lui-même qui livre ses fantasmes les plus profonds avec une intensité terrible. Les contes ont pour décors des lieux qui lui étaient familiers : Bruxelles, Ostende, Bruges... " Leur étrangeté et leur caractère morbide et hallucinant pourraient bien s'expliquer en partie par les narcotiques que l'auteur prenait pendant leur rédaction ", indique Roland Beyen dans Ghelderode ou la Hantise du masque. A cette époque, en effet, l'écrivain avait recours à la morphine pour calmer ses souffrances physiques et psychiques. 
 
L'Ecrivain public 
Fasciné par Pilatus, un mannequin de cire représentant un écrivain public des temps anciens et exposé dans la chapelle d'un ancien béguinage, le narrateur en vient à dialoguer avec cet étrange personnage. Une mystérieuse complicité s'établit entre eux, les amenant à souffrir ensemble, dans leur corps de chair ou de cire, des chaleurs d'un été " qui s'écoul[e] comme coule une lave ". 
 
Le Diable à Londres 
De passage à Londres, le narrateur se sent irrésistiblement attiré par une plaque annonçant l'antre même du diable : Méphisto. Surmontant son angoisse, il s'aventure à la rencontre du Prince des Ténèbres. 
 
Le Jardin malade 
Le narrateur s'installe avec son chien au rez-de-chaussée de l'ancien hôtel de Ruescas, " énorme cube de silence et d'ombre " prolongé par un vaste jardin en friche. Dans son journal, il livre le récit oppressant d'une lente agonie : celle des êtres hors du commun qui abritent leur désarroi au sein de cette bâtisse décrépite, à moins que ce ne soit le lent pourrissement des lieux eux-mêmes... 
 
L'Amateur de reliques 
Prêt à acheter un ciboire ancien, le narrateur exige que l'antiquaire, monsieur Ladouce, le lui fournisse rempli d'hosties consacrées, qui saigneront lorsqu'il les poignardera. Cette curieuse exigence s'est imposée à lui au contact de l'objet pieux. Il ne sait pas encore que le ciboire appartenant à l'inquiétant antiquaire a connu jadis un tel sacrilège… 
 
Rhotomago 
Le narrateur va vivre un redoutable face à face avec Rhotomago, ludion facétieux et néanmoins terrifiant, incarnation probable de quelque diable follet échappé de l'enfer. Le chat Mima est l'évident complice du ludion pour mystifier son maître. 
 
Sortilèges 
En descendant du train qui l'a conduit à Ostende, le narrateur se trouve plongé en pleine folie carnavalesque. Il a rendez-vous avec l'apparence, avec l'immatérielle identité d'êtres d'autant plus terrifiants qu'ils s'avèrent incertains, dans le cadre étourdissant de la fête aux masques glauques et aux étincelles glacées. Non travesti et coupable du crime de solitude, il est la victime expiatoire toute désignée pour racheter les péchés du carnaval. Il va s'abandonner à la mer et à ses visions hallucinées, avant d'être ramené à la vie et à la fête par un étrange archange. 
 
Voler la mort 
La Mort vient comme un voleur ! " Cette phrase apprise au collège marqua à jamais le narrateur qui se souvient qu'un soir, la Mort entra dans le cabaret où il était attablé pour l'envelopper de son " souffle polaire ". Tombé aussi gravement que subitement malade, le jeune homme est hospitalisé. Pendant de longues semaines, son état reste critique. Miraculeusement rétabli, il apprend comment son ami Prosper a farcé la Mort en accordant foi à une vieille croyance… 
 
Nuestra Señora de la Soledad 
Solitaire et taciturne, le narrateur a l'habitude de se recueillir avec ferveur au pied de la statue de Notre-Dame de la Solitude. Un jour de procession, où seule sa Solitaire était restée dans l'église, il tente l'impossible : rencontrer son regard sous les paupières de buis. 
 
Brouillard 
Poursuivi par quelque entité malfaisante, le narrateur regagne son logis après une course hallucinante dans le froid brouillard de décembre. Chez lui, d'étranges fantômes lui délivreront un message issu de l'au-delà… 
 
Un crépuscule 
Cherchant à échapper à la torpeur morbide dans laquelle il se noie, à l'instar du monde qui semble sombrer sous une interminable pluie battante, le narrateur croit trouver son salut dans la contemplation d'un ciel crépusculaire qui achèvera d'engloutir son esprit visionnaire. 
 
Tu fus pendu 
Irrésistiblement attiré par l'auberge à l'enseigne de la petite Potence, le narrateur se retrouve plongé dans le passé d'une petite bourgade de Flandre et reçoit la révélation de son propre passé. Témoin de sa vie antérieure, une vieille pie capable de pénétrer ses pensées lui annonce ce qu'il redoute : " Tu fus pendu ! ". 
 
L'Odeur du sapin 
Péché Mortel est la servante, aussi rousse que laide et méchante, du narrateur. Un vendredi 13 décembre, au soir, alors que son maître est en proie à une épouvantable crise d'asthme, elle ouvre la porte à un marinier à l'œil de poisson mort. Ce visiteur, attiré " par l'odeur de sapin " qui émane des lieux, propose une étrange partie d'échecs dont l'enjeu est la vie même du narrateur… 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Illustration de Jacques Gorus, in L'Hôtel de Ruescas, Le Papegay, Anvers, 1943 
 
 
 
 
 
Illustration de Tartarin, in Tout, n° 3, mai 1949, G. Deluycker, Bruxelles.